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Category Archives: Coup de Coeur 2016

Yona Maassen, femme photographe, photographe des femmes

Rencontre

Yona Maassen Crédit photos : Yona Maassen

Non. Yona Maassen ne photographie pas que des femmes. Ce titre est un simple clin d’œil à « Hors-jeu », projet à découvrir un peu plus bas…
En fait, Yona photographie l’Humain.
Après une escale ratée en école de photo et divers petits boulots, elle revient à la photographie justement grâce à cette envie d’observer, de comprendre, d’humaniser et de montrer des personnes ou des actes qui pour beaucoup restent en marge.
Elle porte ses sujets, longtemps. Le temps qu’il faut pour entrer un peu dans l’intimité des âmes… du vieil homme vivant dans la rue aux rygbywomen, en passant par la vie en roulotte, l’humanité est partout dans les clichés de Yona.
Des portraits touchants de simplicité, sublimés par l’instantanéité de l’argentique.
Rencontre…


Yona, raconte-nous un peu ton parcours. Comment as-tu commencé la photo ?
J’ai un parcours un peu particulier. A 15 ans, j’ai quitté Toulouse pour habiter chez ma tante à Paris. En bonne adolescente que j’étais, je n’avais envie de rien, elle m’a un peu forcé à me bouger, me demandant ce que j’aimais faire dans la vie.
La photo me plaisait bien mais j’ai très vite été déçue par l’école et suis partie au bout de 6 mois. En revanche, le travail d’iconographe que je faisais pour l’agence de presse Starface, qui m’avait accueillie pour ce CAP en alternance était passionnant. J’y suis restée 4 ans.
Ensuite, j’ai eu ma fille et suis revenue à Toulouse où j’avais tous mes amis et pendant 10 ans, je n’ai pas touché un appareil photo.
Et un jour, le virus m’a repris. C’est parti d’une rencontre, un SDF que j’ai croisé. Il s’est passé quelque chose. J’avais envie de construire et profitant d’une période de chômage, j’avais du temps, du coup je l’ai suivi durant un an !

Quels sont tes sujets de prédilection ?
Je m’intéresse aux personnes qui vivent en marge de la société. Depuis 3 ans, je suis un groupe de filles qui vivent en roulottes au cœur des montagnes ariègeoises.

Parle-nous de « Hors-jeu », série consacrée aux joueuses de rugby. Comment est né le projet ?
Toujours dans cette idée de traiter des sujets en marge, l’équipe féminine du Stade Toulousain (STRF) est toute récente. Jusqu’ici, les filles qui voulaient jouer au rugby en Haute-Garonne devaient aller à Fonsorbes ou Saint-Orens. En 2015, après de longs mois de discussion, le Stade a enfin accepté d’ouvrir une équipe féminine, mais sans leur offrir aucun soutien qu’il soit financier, logistique ou médiatique. J’ai suivi cette équipe en immersion (entrainements, déplacements, etc.) durant toute cette première année et réalisé une série intitulée « Women ». Ces filles se sont débrouillées toutes seules et ont tout gagné ! L’équipe est entré dans le Top 8 (championnat féminin de 1ère division, ndrl) dès la saison suivante.
J’ai décidé à ce moment d’élargir le sujet en passant à des portraits posés, les meilleurs équipes allaient venir jouer à Toulouse au moins une fois par mois, c’était donc le bon moment pour leur offrir la visibilité qu’elles méritaient, de les mettre en lumière.
Je souhaitais par là faire prendre conscience au grand public de la difficulté des équipes féminines à pratiquer le rugby à haut niveau. Elles ont trop peu de moyens, doivent effectuer de longs trajets en bus sans pouvoir dormir sur place la plupart du temps et bien sûr, elles travaillent à côté, élèvent leurs enfants parfois, etc.
J’ai réalisé les portraits à chaud, souvent en sortie de match. On y retrouve la dureté de ce sport, avec les vêtements sales et les blessures, le visage de la victoire ou de la défaite…
Je trouvais important de pouvoir représenter ces championnes, de leur apporter un peu de reconnaissance. Elles sont dans l’ombre contrairement aux rugbymen, alors que beaucoup s’accordent à dire que le rugby féminin est plus intéressant à regarder et que le public est demandeur.

Et comment s’est construite l’expo, que l’on a pu voir à Toulouse tout le mois de mai et qui tournera prochainement dans d’autres villes du Top 8 ?
Nous sommes 3 à l’origine du projet, Xavier Larroque, directeur de l’association « Le Studio Français et Aurélie Morandin, ancienne joueuse du STRF.
Dès le départ, nous voulions taper fort, que les photos soient vues, affichées en grand format sur des murs de la ville, même si nous avons dû trouver des compromis au regard de la difficulté d’obtenir les autorisations dans les délais (plus de détails sur les aspects techniques dans la rubrique expos de cette newsletter).
La mairie de Toulouse nous a soutenu à travers Laurence Arribagé, adjointe aux sports. D’autres financements sont venus de partenaires privés et d’une collecte de crowdfunding. Nous avons aussi monté un partenariat avec Tisséo pour l’affichage dans le métro et les bus.
Notre objectif à terme est d’exposer dans toutes les villes du Top 8.

Comment s’est passée votre collaboration avec Picto Toulouse ?
Le choix de Picto s’est imposé naturellement. Je connaissais leur travail, et leur confier le montage et les tirages de l’expo nous a semblé évident.
Ils nous ont beaucoup aidé, respectant toutes les contraintes qu’impose une exposition d’envergure, que ce soit en termes de budget, de délais et d’idées innovantes.
Je considère Picto comme un partenaire créatif de cette aventure, ils ont apporté leur savoir-faire et résolu pas mal de problèmes techniques.
Et le résultat est là…

Merci Yona, à bientôt pour un nouveau championnat !

En savoir plus sur Yona Maassen : www.yonamaassen.com
Site officiel de l’expo Hors-jeu : www.horsjeu2016.fr

Hors-jeu - Yona Maassen Hors-jeu © Yona Maassen
 

Julien Escafit, créateur recréateur

Julien Escafit - Projet Ballons Julien Escafit – Projet Ballons

Entre Toulouse et Berlin, Julien Escafit ne se contente pas de capturer le monde qui l’entoure. Tour à tour photographe, sculpteur, vidéaste… il le recrée, le déforme, le transforme, l’embellit…
Julien assemble, expérimente et donc questionne nos modes de vie et nos pratiques quotidiennes grâce à différents matériaux et médias, dans un jeu permanent de détournement créatif.
Bienvenue dans l’univers décalé de Julien Escafit !

Julien, la photo est souvent pour toi une finalité qui permet de garder une mémoire d’œuvres éphémères. Peux-tu nous parler de ta démarche ?
Il y a deux approches qui me passionnent dans la photo : la première est celle de mes débuts en argentique, purement « contemplative ». Celle ou je choisis un sujet, un instant de réel sans mise en scène, sans intervenir sur le fond, en le captant de la façon la plus juste, essayant de trouver un cadre, un regard singulier et original. J’aimais la magie de la chambre noire mais mes prises de vues de l’époque étaient très travaillées, trop réfléchies, figées.
Le numérique m’a amené à plus de spontanéité. N’ayant plus la barrière financière de l’achat de pellicules, le développement, etc., je suis devenu un « boulimique » de l’image, faisant parfois des centaines de clichés par jour !
Puis j’ai fait une overdose… Aujourd’hui, je travaille différemment, je suis revenu à l’argentique en achetant de vieux appareils moyen format (un Rolleiflex et un Hasselblad). J’ai repris le temps, alors qu’avec le numérique, tout allait trop vite, finalement.

Ma seconde approche est plus « conservatrice », permettant tout simplement de garder la trace d’une installation éphémère, présentée le temps de son exposition.
Puis j’ai fait migrer certaines de mes installations d’un lieu d’exposition en intérieur vers l’extérieur. De là est partie une réflexion sur le rôle et l’importance de la photographie en tant que partie intégrante de l’œuvre.

La série « Ballons » par exemple, résulte totalement de ce questionnement. Ce n’est pas une performance au sens propre du terme car elle n’a pas été conçue pour être vue par un public dans son instant. La mise en scène est pensée uniquement dans le but de réaliser des prises de vues photo et des captations vidéos.
Dans ce cas précis, la photo est à la fois l’un des matériaux de construction de l’œuvre (par son cadre, sa composition…) mais aussi son unique matérialisation.

C’est justement du projet « Ballons » qu’est tirée l’image de la carte de vœux 2016 de Picto Toulouse. Qu’as-tu voulu exprimer derrière cette apparente simplicité, pleine de légèreté et de poésie ?
Ma pratique artistique a toujours été guidée par le jeu. J’essaie de cultiver et conserver le plus possible mon âme d’enfant, car je suis persuadé que c’est ce qui nous permet de rester créatifs, de garder un regard attentif et curieux sur ce qui nous entoure.

Cela explique certainement pourquoi, dans mes créations, je reste très attaché à une certaine forme de légèreté, qui me permet par la même occasion de ne pas trop me prendre au sérieux !


 Les œuvres d’où se dégage une « idée toute simple » me touchent particulièrement, comme celles d’Erwin Wurm ou Joana Vasconcelos, pour ne citer qu’eux…
Dans ces œuvres, le pouvoir attractif de leur apparente simplicité dissimule un dialogue et des questionnements bien plus profonds.
 J’apprécie aussi l’humour et l’ironie dans une image, sa simplicité « racoleuse » qui suscite l’interrogation après une première lecture très directe.

Et cette série est totalement partie d’un jeu. Lors d’un voyage à New-York avec quelques amis, nous avons dîné dans un restaurant décoré de ballons à l’hélium. J’en ai accroché à mes cheveux par amusement et me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose à en tirer.
Les ballons sont très connotés, ludiques, artificiels, fragiles et éphémères. Ils s’opposent complètement au naturel et à la solidité des cheveux (qui, dans ce cas remplacent la ficelle). De là, je pouvais imaginer une multitude de mises en scènes, dans des situations très diverses.

Dans la photo choisie pour la carte de vœux 2016 de Picto Toulouse, la mise en abîme de la flottaison (mes cheveux flottant dans l’air, soulevés par les ballons, moi flottant sur l’eau maintenu par la barque) m’avait semblé intéressante à expérimenter, justement pour insister sur une certaine forme de légèreté.
J’avais initialement pensé faire une prise de vue dans l’eau, mais lorsque je suis arrivé au lac avec mes ballons, les volets de la seule maison présente se sont ouverts. Une femme en est sortie avec ses enfants, c’était son anniversaire !
Elle a été très heureuse et amusée de nous trouver là et m’a proposé sa barque pour réaliser un cliché. Cette image est donc le fruit d’un simple hasard, et du coup une création spontanée, c’est aussi ce que j’aime dans cette photo.
J’y retrouve cette superposition et cette confrontation d’éléments propices à la rêverie, où chacun reste libre de sa perception, de son interprétation.
Comme la plupart des images de cette série, elle reflète la légèreté d’une action éphémère, une « furtive intrusion humaine », artificielle et colorée, dans des lieux qui semblent immobiles et éternels, bien que de plus en plus fragiles eux aussi.
Cette légèreté évoque aussi pour moi la touche d’optimisme propre à l’esprit humain, qui, un peu naïvement, cherche très souvent à intervenir sur la nature, ou même à en supplanter la beauté.

Il y a d’ailleurs dans tes œuvres un rapport fort à la nature, peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
La nature est effectivement une de mes sources d’inspirations. Tant par son côté « campagne » que par celui, plus sauvage, des friches urbaines où elle reprend ses droits sur la création humaine.
J’aime brouiller les pistes, me sentir dépasser par mes sujets. C’est aussi ce qui me passionne chaque fois que je me lance dans une nouvelle création : quand elle n’est plus totalement maîtrisée, ni la simple illustration figée d’une pensée, mais qu’elle finit parfois par me dépasser en allant au delà de mes espérances…

La friche urbaine est un terrain de « liberté provisoire » d’où se dégagent inévitablement des notions de temps… et à mon grand regret, elle est aussi généralement vouée à disparaître. J’aime donc énormément mettre en scène des œuvres éphémères dans ces lieux qui le sont tout autant. Et l’opposition entre le naturel et l’artificiel y crée une ambiance vraiment unique.
En cela, Berlin est un terrain d’expérimentation incroyable !

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Ces derniers temps, j’ai pas mal travaillé sur du design d’objets (essentiellement des pièces uniques en acier ou acier et bois)… et même si c’est aussi quelque chose que j’adore faire, je souhaite à l’avenir pouvoir consacrer beaucoup plus de temps à ma pratique artistique.
J’ai des carnets de croquis remplis de projets qui s’accumulent et n’attendent plus qu’à en sortir !
Je prépare aussi des dossiers de candidature car j’espère pouvoir intégrer prochainement un programme de résidence d’artiste.
Je continue la photo… et depuis quelque temps, je prends également un grand plaisir à la pratiquer depuis le ciel ! J’ai trouvé dans la pratique de l’ULM une formidable façon d’allier deux de mes passions.
Sinon, je suis actuellement entrain d’organiser mes clichés en séries pour les publier sur mon site et, pourquoi pas, les exposer.

Enfin, je vais clôturer ma série « ballons », sous la forme d’un triptyque vidéo dans lequel je couperai mes cheveux.
Pour ce tournage, qui devrait avoir lieu cet été à Paris (à la Galerie du Jour d’agnès b.), il me faut constituer très prochainement une équipe de réalisation.

Depuis combien de temps travailles-tu avec Picto ? Qu’apporte cette collaboration à ta démarche artistique ?
Mes tirages pour les expos « Ballons » ont été notre première collaboration. Et ce ne sera pas la dernière ! Je connaissais Picto Toulouse par sa très bonne réputation pour les tirages pros, mais comme tout artiste aux poches vides, je n’avais jamais passé le cap de faire réaliser des tirages…
Début 2015, j’ai été en relation avec l’équipe du festival « Traverse Vidéo » pour réaliser une expo. D’abord dans les boutiques « agnès b. » du centre ville, puis au Jardin Raymond VI. J’ai donc contacté Picto Toulouse pour réaliser ces tirages.
Leur soutien m’a permis de sortir des tirages Dibon pour « agnès b. » et des bâches de 2m30x1m50 pour l’expo en extérieur.
J’ai tout de suite apprécié l’ambiance familiale de cette entreprise à taille humaine, où l’on travaille en équipe avec des techniciens à l’écoute et de bon-conseil. Ils m’ont été d’une aide précieuse grâce à un savoir-faire technique et un travail de grande qualité.

Merci Julien, j’espère te revoir bientôt, les cheveux courts !

L’expo « Ballons » est actuellement présentée à la Mairie de Toulouse, Place du Capitole.
Retrouvez aussi l’expo 2015 aux Jardin Raymond VI grâce à une vidéo du magazine web Kunzite
Et découvrez tous les projets de Julien Escafit sur son site

Projet Ballons Projet Ballons © Julien Escafit
Hors champ Hors champ © Julien Escafit
Urbanisme et utopie Urbanisme et utopie © Julien Escafit
Provisions Provisions © Julien Escafit