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Category Archives: Coup de coeur – 2014

Jean Belondrade, des photos et des Hommes

Jean Belondrade Jean Belondrade

Débuter avec Dieuzaide, ce n’est pas rien ! Mais depuis ses débuts, le “petit montagnard” né dans l’Ariège, en a fait du chemin. Il a surtout gravi le plus haut et le plus difficile des sommets : sa pudeur.
Photographe professionnel reconnu, Il aura pourtant attendu l’âge de 50 ans pour montrer ses travaux personnels, et 40 pour traiter enfin le sujet qui le tenait le plus à cœur : l’être humain, les gens, les personnes. A opposer à la notion d’ “Humain”, chère aux pros du marketing et de la communication, qui englobe les individus sans les regarder vraiment.
Toujours avec la même humilité, Jean Belondrade voyage aujourd’hui dans le monde entier et s’adresse directement à chacun d’entre nous, questionnant notre quotidien, notre individualité, nos rêves et nos espoirs. Nous rappelant que d’où que l’on vienne et quel que ce soit notre âge, nous avons tous en commun cette humanité faite d’amour, d’idéaux, de passion mais aussi de petits moments tous simples…

Jean, à quel moment avez-vous compris que la photographie deviendrait la passion de toute une vie et votre métier ?
La photo a pris très tôt une place dans ma vie. Enfant, j’ai trouvé du matériel de laboratoire dans le grenier de ma maison de famille, j’ai été intrigué. C’était du matériel ancien, de l’époque où, avant les agrandisseurs, on faisait du contact à partir de plaques de verre.
Puis en classe de 3ème, on m’a proposé de m’occuper du laboratoire photo du Caousou et j’ai vraiment commencé comme cela, à la chambre noire.
Je prenais mon vélo et partais faire des prises de vue dans la campagne ariégeoise et la montagne. J’adorais la liberté que me procuraient ces promenades où j’étais seul avec ma musette et mon appareil photo. Par timidité, je n’osais pas m’approcher des gens, mes sujets s’arrêtaient donc aux paysages, aux moutons… Il m’a fallu d’ailleurs attendre plus de 30 ans avant d’oser enfin !
Je crois que j’ai toujours voulu être photographe, ou journaliste, contre l’avis de ma famille qui souhaitait me voir devenir médecin. A la mort prématurée de mon père je me suis enfin inscrit à des cours de photo par correspondance dans une école américaine. J’ai été au bout de mes cours tout en faisant mon armée puis j’ai présenté un dossier à Jean Dieuzaide qui m’a embauché ; le dossier n’était pas très bon, il a été généreux. J’ai eu beaucoup de chance !
Je crois tout simplement que le courant est immédiatement passé entre nous. Il a été pour moi à la fois une image du père et du maître…

Vous souvenez-vous de votre première photo ou en tout cas, de celle qui a marqué vos débuts ?
J’ai toujours une grande fierté pour ma première photographie professionnelle réalisée pour l’atelier Yan. Nous étions 3 ou 4 photographes du studio, dépêchés pour photographier l’instant précis où le Concorde 002 quitterait le sol. On nous avait répartis à différents endroits de la piste, ne sachant pas exactement le trajet que l’avion emprunterait et par chance, c’est devant moi qu’il a décollé.
C’était une photo au grand angle, légèrement sous-exposée, mais quel bonheur d’avoir pu saisir cet instant !

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de montrer vos travaux personnels ?
Parce que c’est quelque chose de très difficile psychologiquement. Par pudeur ou par réserve, je suis passé à côté de beaucoup d’opportunités. Je considérais que ce n’était pas assez bon pour me confronter au regard de mes collègues photographes.
Pourtant montrer, c’est progresser ! Mais je crois que j’ai toujours eu le complexe du “petit montagnard”, j’ai mis longtemps à me sentir à ma place en ville comme dans le monde de la photographie (en dehors de mes travaux professionnels pour lesquels j’étais déjà reconnu) parce que je n’ai jamais eu ce sens du réseau, cette fibre qui fait que l’on sait se vendre. La solitude est une qualité très répandue chez les photographes mais elle a ses limites.
J’ai eu le déclic d’un coup, quand j’ai découvert le Minox 35. C’était un tout petit appareil, à l’opposé des chambres 4×5 inch et des Hasselblad avec lesquels je travaillais habituellement. Grâce à cet outil discret, j’ai enfin osé m’approcher des gens et mon travail a pris une nouvelle tournure.

J’ai sorti mon premier livre “Vu, familles photographiques” en 1999. Il confrontait des images qui n’avaient rien à voir mais qui fonctionnaient bien par couple et par association d’idées. Ce n’était pas un travail très abouti, car à l’époque je n’avais pas assez de matière. Mais l’idée était bonne et est devenue de plus en plus intéressante car j’ai continué à l’enrichir au fil du temps, à coller de nouvelles images au grè de mes reportages. En tout cas, cela m’avait mis le pied à l’étrier.

Pour les “Greniers de France”, j’ai commencé cette série sur mon temps libre, jusqu’à réaliser un livre mêlant mes photos à des textes écrits par des ethnologues, édité chez Privat. J’ai contacté Philippe Terrancle (Directeur des éditions Privat) et il a tout de suite été emballé par le projet car tout le monde aime les greniers. Il y a quelque chose lié à l’enfance, une nostalgie.
C’était un travail très intéressant d’abord parce qu’il était très difficile de trouver des gens qui acceptaient de me laisser entrer dans ce lieu intime où se cachent les secrets de famille. Et ensuite parce que je m’étais fixé l’objectif de ne toucher à rien, de laisser le lieu tel que je l’avais trouvé, sans déplacer les objets, sans ajout de lumière. Je photographiais donc en pauses longues au retardateur et découvrais les photos après coup, c’était passionnant. J’ai un peu retrouvé l’émerveillement de l’époque argentique, où il fallait attendre le tirage pour révéler l’image.

Pouvez-vous nous parler de Goanda ?
J’ai créée cette entreprise en 2008 avec mon fils et deux collègues photographes car nous avions envie d’aborder ensemble un travail d’auteur, mêlant photographie et écriture.
Nous réalisons des livres professionnels pour des entreprises (en particulier dans l’industrie), en proposant une approche très différente d’une pure démarche publicitaire.
Mon premier livre de ce type, réalisé pour le Groupe Cahors “Nos hommes ou la Traversée du siècle” retraçait la vie des employés de cette entreprise à travers le monde (du Lot à la Chine, en passant par l’Inde, l’Espagne, l’Uruguay, etc.), montrait des scènes de vie. Il était plus proche d’un reportage pour “Géo” que d’une plaquette commerciale et c’est cela qui a fait le succès de ce projet.
Le plus difficile est de faire comprendre au client que pour que cela fonctionne, il faut s’extraire complètement de toute action de communication. Ici, c’est le travail d’auteur qui donne de la valeur à l’entreprise. Les communicants parlent toujours de “l’Humain”, mais ils oublient les individus.
J’ai convaincu le PDG du groupe d’éditer un exemplaire pour chacun de ses employés et pas seulement pour les grands comptes, les investisseurs, etc. L’idée était de valoriser les gens qui font l’entreprise et non de simplement faire de la pub auprès des clients et actionnaires.
C’est tout cela la démarche de Goanda, porter une idée forte et la mener à son terme.

Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Depuis quelques temps, j’entame une nouvelle période, avec une approche différente. Je m’efforce de photographier des vraies scènes de vie plutôt que céder à la facilité des portraits.
Mais nous faisons un vrai métier, de plus en plus difficile. Il faut beaucoup de qualités pour être photographe aujourd’hui, au delà de la facilité technique évidente, alors que tout a déjà été fait et à la perfection, dans le domaine de la photographie humaniste.
Un exemple, pendant des années j’ai travaillé sur l’Ukraine, j’ai beaucoup d’images des jours heureux. J’ai proposé cette série à des magazines, j’ai voulu en faire un livre… Ce travail n’intéressait personne! Il y a un an j’ai passé Noël à Maidan sur les barricades et Il a fallu ces évènements pour que le monde commence à s’intéresser à ce pays. Mais les médias veulent des chars et des images de guerre, pas des photos de l’Ukraine en paix. C’est pourtant ça, l’Ukraine, cette simplicité confiante qui s’est abîmée et peut-être perdue.

Il faut toujours avoir des projets dans ses tiroirs. J’ai commencé récemment une collection de photographies sur le thème de “l’Homme qui marche”, pour aborder l’aventure unique, de l’enfant qui dès qu’il se lève pour ses premiers pas maladroits ne cessera de marcher qu’à la mort. “Lève toi et marche !” : la chose la plus extraordinaire et en même temps la plus naturelle qui soit, alors qu’aujourd’hui une bonne partie de l’humanité (et la majorité des photographes) passe la plupart de son temps assise devant un ordinateur.

Depuis deux ans, je m’amuse également avec une série appelée “Libertad”. De la façon la plus simple, j’essaie de susciter l’idée même de liberté alors qu’elle prend aujourd’hui un sens différent, qu’elle n’est plus aussi évidente, révolutionnaire. Notre liberté nous est grignotée, rabotée implacablement, systématiquement, jour après jour, dans tous les domaines de l‘activité humaine. Vivre libre était un combat, c’est devenu un défi.

Vous travaillez avec Picto depuis de nombreuses années. Que vous apporte cette collaboration ?
Effectivement, je connais Picto depuis leurs débuts (NDRL : pour rappel, l’entreprise est installée à Toulouse depuis 1989) et outre la grande qualité de leur travail, l’un de leur point fort est d’avoir conservé les mêmes interlocuteurs amicaux et bienveillants, depuis toujours.
Du coup, une vraie relation de confiance s’est installée, un rapport particulier. Moi qui doute souvent, j’écoute attentivement leurs conseils, je me fie à leur choix quand j’hésite.
C’est un vrai travail d’équipe !

En savoir plus sur Jean Belondrade :
www.jeanbelondrade.fr
www.goanda.eu
Jean Belondrade - Libertad © Jean Belondrade – Libertad
Jean Belondrade - L'homme qui marche © Jean Belondrade – L’homme qui marche
Jean Belondrade - Ukraine, les jours heureux © Jean Belondrade – Ukraine, les jours heureux
Jean Belondrade - Greniers de France © Jean Belondrade – Greniers de France

Anthony-Noel Kelly, une nature inspirante

Anthony-Noel Kelly Anthony-Noel Kelly

Anthony-Noel Kelly utilise différentes techniques pour explorer un terrain vaste comme l’univers : la nature. Humaine, animale, végétale, minérale, il interroge les cycles de la vie, de la naissance à la mort et oppose la forme brute, à l’idéal de beauté que le monde impose.
Héraclite nous disait que « Rien n’est permanent, sauf le changement ».
Kelly décompose, nous montre des angles différents de cette nature en perpétuelle mutation. Par la peinture, la sculpture et la photographie, il questionne le besoin de contrôle de l’humain sur une nature pourtant bien plus forte que lui, et le met face à la réalité de son impuissance à maîtriser le temps qui passe, lui rappelant un peu plus chaque jour sa nature profonde : vivante et mortelle.

Cette interview restera gravée dans ma mémoire comme un moment hors du temps. Jorge et moi sommes arrivés étourdis par le magnifique paysage et l’impression de plénitude qui se dégage de la bastide perchée sur les collines au dessus de Beaumont-de-Lomagne dans le Tarn et Garonne. Entrer dans l’univers de Kelly est quelque chose d’incongru : la maison semble à la fois pleine de vie, jonchée de jouets d’enfants et d’objets en tous genre ; et en même temps calme, endormie et irréelle tel le château du Grand Meaulnes… L’atelier est garni de petits objets, insectes, végétaux, cranes ou carcasses d’animaux… Collectés au gré du temps et des promenades. Dans chaque pièce de la maison, les antiquités et souvenirs de famille se mêlent à l’art contemporain. Le sien et celui de beaucoup d’autres aussi, amis, artistes croisés au fil du temps… Plus on visite et plus il y a voir. J’ai découvert un homme passionné d’art et d’histoire, exalté par la création d’un monde qui ne ressemble à aucun autre (mais lui vous dira : ou à n’importe quel autre)…

Anthony, peux-tu nous raconter ton parcours, comment es-tu arrivé en France ?
Après plusieurs années en Angleterre, j’ai habité l’Irlande qui est un pays magnifique, vert mais où l’on voit peu le soleil. C’est pour cela que nous avons choisi de nous installer ici, dans le sud de la France. La nourriture est aussi moins riche en Irlande ! J’adore le magret de canard par exemple. Et pour mon parcours artistique, il a commencé très tôt, j’ai toujours été créatif et à 19 ans, j’ai suivi un stage de 4 ans en restauration/conservation de tableaux en Belgique et en Allemagne. C’était intéressant pour la maîtrise de la technique, mais peu épanouissant d’un point de vue créatif, j’ai donc préféré peindre pour moi et un peu plus tard, je suis entré à la London School of Art pour apprendre la sculpture.

Tu travailles différents médiums, lequel préfères-tu ?
Cela dépend des moments, je travaille la photographie plutôt l’été pour des questions de lumière. Le reste du temps, je me consacre plus à la peinture et la sculpture. Je pense que la peinture est l’art le plus accessible. On part de rien, d’une toile blanche et on crée. Les gens comprennent mieux la peinture que d’autres formes d’art, ils peuvent dire tout de suite s’ils ressentent une émotion. En particulier lorsque l’on fait des portraits, car le spectateur les regarde dans les yeux, ça invite à la conversation. Une conversation intime et réelle. Il n’y a pas cette humanité si directe dans un paysage ou une nature morte.

Anthony, la nature est ta source d’inspiration, comment décides-tu de la manière dont tu souhaites la montrer ?
Je ne cherche pas tellement. La nature se suffit à elle-même, elle est parfois belle et grandiose, parfois inexplicable et cruelle. Je prends simplement de petits morceaux de vie et les montre de manière réaliste. A côté de ma pratique artistique, je dirige une entreprise d’élagage. Et c’est parfois là que je trouve l’inspiration. La sculpture nommé « souche » par exemple est une vraie souche d’arbre que j’ai extraite d’un terrain. Je l’ai trouvé belle et en ai fait un moule dans lequel a été coulé de l’aluminium. (Cette sculpture magnifique et gigantesque -1,70m de large pour 90cm de haut- est exposée dans le couloir de sa maison).
J’aime aussi travailler à partir de nourriture parce que je trouve ça visuellement intéressant. Mais je ne suis pas gourmand, je ne cuisine pas, cela prend trop de temps. J’aime les choses rapides. Je trouve simplement qu’il y a dans la nourriture une harmonie, des couleurs profondes. Au marché, je fais le tour des étals, je regarde les formes, les couleurs puis je les mets en scène. J’adore aussi acheter de jolies tartelettes chez le pâtissier pour simplement les écraser une fois rentré à l’atelier !

Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?
Cette année, j’ai fait beaucoup de cartes (Anthony met en scène de la nourriture, des insectes et divers petits objets sur des cartes du monde). Et j’ai aussi commencé quelque chose de passionnant ! Je collectionne des livres sacrés et des objets de culte de toutes les religions, et même sur l’athéisme. J’ai envie de confronter ces objets, de les mettre en scène en vue d’une exposition. Mais c’est loin d’être terminé.

Que t’apporte Picto dans ta démarche artistique ?
Je connais l’équipe Picto depuis 8 ans environ, nous avons une relation fidèle ! C’est comme un partenariat. Je leur fais confiance pour le nettoyage de mes images et la qualité d’impression. Parfois aussi, je veux créer certaines choses mais je ne sais pas comment. Picto m’aide à réaliser mes idées en apportant des solutions techniques pour résoudre ces problèmes.

http://anthony-noelkelly.com/

Anthony-Noel Kelly © Anthony-Noel Kelly

Agenda : Rétrospective Ronald Curchod

Ronald Curchod © Ronald Curchod – www.ronald-curchod.net

C’est original ! > 22 avril au 29 août 2014, vernissage le 17 avril à 18h30


• Exposition d’originaux (croquis, gouaches, photographies…) conçues ces vingt dernières années pour la réalisation d’affiches culturelles, et édition d’un livre/catalogue de 144 pages.
Centre de l’affiche – 58 allées Charles-de Fitte – 31300 Toulouse
www.centreaffiche.toulouse.fr

Ronald Curchod, affiches ! > 12 mai au 14 juin 2014


• Sélection d’affiches réalisées par Ronald Curchod pour des lieux culturels et institutionnels toulousains, français, et étrangers.
« Mettre en exposition, scénographier un accrochage de plus de 100 formats, engage une réflexion autour du déplacement de l’affiche vers un espace d’exposition. Comment donner à lire le travail d’un affichiste en tant que pratique singulière ? »
IPN – 30 rue des Jumeaux – 31200 Toulouse
http://collectif-ipn.net

Le silence des images… > 22 avril au 29 août 2014, vernissage courant mai


• Libres des messages de communication, Picto Toulouse expose la force poétique de l’invention des images de Ronald Curchod. De ces 22 lithographies numériques exposées, des séries limitées à 12 exemplaires, numérotées avec certification ArTrust seront mises en vente.

Picto Toulouse – 13 rue Isabelle Eberhardt – 31200 Toulouse


www.pictotoulouse.com

Faire le JOB ! > 24 avril au 31 mai 2014


• Ronald Curchod s’approprie les façade du bâtiment JOB avec des images très grand format (réalisées par Picto Toulouse)
• Conférence : «Les liens qui libèrent» Pierre Di Sciullo et Ronald Curchod, le 13 mai à 18h30.
Et à 20h30 avant-première musique/théâtre par le Ring et Music Halle.
Espace culturel JOB – 105 route de Blagnac – 31200 Toulouse
http://collectif-job.com

Ronald Curchod,Trente ans d’images partagées > 19 au 31 mai 2014, vernissage le lundi 19 mai à 19h


• Exposition d’affiches élaborées en complicité avec le théâtre2 l’Acte depuis 1981.
• 3 soirées sur la scène du Ring : performances autour des images de Ronald Curchod par les musiciens de Music’Halle et les comédiens du Ring. Les jeudi 22 mai, mercredi 28 mai et samedi 31 mai à 20h30.
Le Ring – 151 route de Blagnac – 31200 Toulouse
www.theatre2lacte.com


Ronald Curchod, des histoires et des images

Du 22 avril au 29 août 2014

Ronald Curchod Ronald Curchod

Si vous ne connaissez pas son nom, vous reconnaîtrez à coup sûr son œuvre… On ne compte plus les affiches réalisées par Curchod qui ont marqué la culture toulousaine (et internationale !) : du Festival de Ramonville à Toulouse les Orgues, Cinélatino, le Théâtre Garonne ou encore le TNT, la liste est longue ! Des personnages fantasmagoriques, entre le récit mystique et le conte, des objets qui sont loin de ce qu’ils ont l’air d’être. Les images de Curchod sont des encres fascinantes dans lesquelles on se perd à trouver un sens…

Mais dire de Ronald Curchod qu’il est « affichiste » serait bien mal résumer son œuvre. A la croisée des mondes, ses images mêlent dessin, peinture, photographie, graphisme… A tel point qu’il est parfois difficile de cerner du premier coup d’œil la technique employée.

Illustrateur, plasticien, scénographe, graphiste, costumier et même saxophoniste. Ronald Curchod semble, comme un chat avoir eu plusieurs vies… Qui est donc ce mystérieux personnage ? J’aurais envie de dire que c’est un conteur… Car qu’on le comprenne ou non, son univers onirique raconte bel et bien une histoire, différente pour chacun, selon notre sensibilité propre.

Votre imaginaire est très riche. Où puisez-vous votre inspiration ?
C’est drôle, tout le monde pense que j’ai beaucoup d’imagination, mais je n’ai pas cette impression… Une de mes principales sources vient de l’enfance, de ma culture familiale. Ma mère était fille de paysan, j’ai toujours eu un grand intérêt pour les animaux et un beau rapport à la nature. Et j’ai grandit au bord du Lac Léman, j’ai donc une sensibilité particulière pour l’eau, les montagnes, les arbres et forêts, les chalets…
En fait, j’utilise des figures archétypales, mais en jouant sur la forme des choses. C’est un travail de recherche à l’intérieur de soi. J’invente des figures qui mixées entres elles parlent à l’inconscient collectif, créant une polysémie, un piège à sens. Je ne cherche pas à donner une interprétation figée à mes images, au final, le premier degré s’efface pour laisser place à une construction de la pensée dont le sens est peu cernable.
Mon inspiration vient avant tout d’une envie de peindre. Je regarde ma page blanche et j’ai envie de couleurs, de formes…

Travaillez-vous différemment lorsqu’il s’agit d’une commande ou d’une œuvre personnelle ?
Au départ, je travaillais uniquement pour la publicité, je vendais ma technique mais je n’étais pas du tout un auteur. J’ai ensuite pris la décision d’arrêter complètement la publicité pour me consacrer au milieu culturel. Les travaux personnels sont venus à ce moment là, quand j’ai commencé à travailler pour le théâtre. C’était au départ pour enrichir ma palette. Ces deux parties de mon travail étaient à ce moment là très différenciées, alors qu’aujourd’hui elles sont très liées. Je développe parfois mes commandes sur les bases d’une étude personnelle, ou inversement, une commande me donnera envie d’extrapoler et aboutira à une œuvre personnelle.
Mais dans les deux cas, même si ma façon de travailler est un peu différente compte tenu des contraintes, l’exigence, la justesse artistique restent identiques.

Parlons un peu de cette « rétrospective » qui aura lieu dans plusieurs lieux toulousains en avril/mai 2014. Quel en est le fil conducteur ?
Tout est parti du Centre de l’Affiche qui est le producteur de l’expo (et d’un livre/catalogue de 144 pages) et plus particulièrement de Sonia Gaja, qui a décidé pour la première fois d’exposer hors les murs. En plus du Centre de l’affiche, où sera exposée une série d’originaux (du 22 avril au 5 août 2014), il y aura quatre autres lieux à visiter (voir l’agenda complet).
Chez JOB d’abord car le directeur de l’école Music’Halle est un ami de longue date et que ce lieu particulier s’y prêtait bien. Je souhaitais au départ exposer dans les cinq étages de la tour, mais cela n’a pu se faire pour des raisons techniques. Au final j’investirai les façade par des impressions très grand format (réalisées par Picto, ndrl). Nous organiserons également des concerts et performances théâtrales autour de mes images (en complicité avec le Ring) et une conférence avec Pierre Di Sciullo sur le thème « Des liens qui libèrent ».
Ensuite, le théâtre le Ring qui est tout prêt, où seront exposées 14 affiches, fruits de 30 ans de collaboration avec Michel Mathieu (metteur en scène et directeur du Ring).
Chez Picto, nous exposerons des éditions d’art (certifiées par ArtTrust), d’images créées pour des affiches, mais libérées de tout message communicationnel. Cela permettra d’appréhender la dimension artistique, poétique du visuel en montrant qu’il n’est pas qu’au service de l’affiche et vit très bien seul.
Enfin, chez IPN sera exposée une sélection d’affiches réalisées pour des lieux culturels et institutionnels toulousains, français, et étrangers. IPN est un lieu récemment ouvert, une association de jeunes artistes réunis autour de la volonté de construire un espace de travail et de recherche. Leurs ateliers associent des grands espaces de production de volume, sérigraphie, gravure, son et image à un espace d’exposition ouvert au public.


Des tirages Fine art de vos œuvres seront donc exposés chez Picto Toulouse du 22 avril au 29 août. Comment décririez-vous votre relation avec Picto ?
Avec Picto, notre histoire est très ancienne. Je fais un peu de photographie, donc à l’époque je faisais déjà mes développements chez eux, et ils ont réalisé mes premiers tirages d’expos qui mélangeaient la photo et la peinture. En fait, je m’adressais à Picto dès que je voulais faire des tirages pointus, professionnels.
Puis, quand ils sont passés au numérique, notre collaboration s’est accentuée. Picto possède une très bonne qualité de scan et une capacité à optimiser les chromies au plus proche de l’original. Grâce aux avancées technologiques et à un savoir-faire, on peut aujourd’hui travailler très finement les rendus d’impression.
Je pense que le moteur de notre relation, c’est la fidélité. Savoir créer une confiance qui se renforce dans le temps. Je les aide aussi parfois à avancer dans leur métier, en posant des questions, en cherchant à aller plus loin. C’est une sorte d’amitié, d’estime partagée.

L’agenda complet des expositions sur www.ronald-curchod.net
Ronald Curchod © Ronald Curchod

Lumière sur… Pierre-Elie de Pibrac

Du 16 novembre 2013 au 21 septembre 2014

Lumière sur… Pierre-Elie de Pibrac Photos : ©Pierre-Elie de Pibrac

J’ai rencontré Pierre-Elie lors de l’édition 2010 du festival MAP. J’ai tout de suite été séduite, tant par la série qu’il exposait alors « American Showcase », que par la jeunesse et l’histoire singulière du personnage : étudiant en finances, et malgré un grand-père photographe, Pierre-Elie ne s’intéresse pas plus que ça à la photographie.

C’est au cours d’un voyage à New-York en en 2005 qu’il aura la révélation (un de ses clichés remportera le prix du reportage, du concours amateur organisé chaque année par le magazine PHOTO). Fasciné par cette ville, il décide d’y retourner pour s’éloigner un peu des clichés touristiques et se met en chasse d’images plus insolites, c’est de là que naîtra « American Showcase »…
Lauréats de plusieurs autres concours et après quelques expos, il décide enfin, pour notre plus grand bonheur, d’en faire son métier ! Et les USA continuent de l’inspirer. Pierre-Elie programme en 2010 un nouveau road trip à travers tout le pays, afin de rencontrer les « Real Life Super Heroes ». Succès immédiat…
Son dernier travail en cours sera dévoilé fin 2014. Un travail plus profond, encore plus proche de l’être humain. Il est ici question de danse, et du rapport au corps…

Pierre-Elie, après avoir beaucoup exploré les Etats-Unis, tu as décidé de revenir t’inspirer en France. Comment a débuté cette grande aventure avec l’Opéra Garnier ?

Les Etats-Unis m’ont charmé par leur grandeur et l’énergie qui se dégageait des lieux et des habitants, elles me surprennent à chaque fois que j’y vais et à chaque rencontre. Habitant en France et inspiré par la découverte, pour mon plus grand malheur, je n’avais jamais jusqu’ici trouvé de sujet dans mon pays. J’avais besoin de distance et de sortir de l’univers dans lequel j’ai grandi, d’où mes deux séries aux Etats-Unis et mes reportages en Birmanie et à Cuba. Entre American « Showcase » et les « RLSH » je me suis petit à petit concentré vers l’humain, allant d’une prédominance du paysage vers une prédominance du corps. Ma femme, Olivia, a dansé pendant 10 ans et m’a emmené des dizaines de fois à des Ballet à l’Opéra Garnier, j’ai toujours trouvé ce lieu passionnant, son histoire et son architecture sont incroyables et j’ai toujours été fasciné par la maîtrise du corps qu’ont les danseurs. Grâce à une belle rencontre, j’ai eu la chance d’être introduit auprès de Brigitte Lefèvre, Directrice de la danse de l’Opéra de Paris. Je lui ai alors présenté un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps, mais que je ne me sentais pas encore capable de réaliser (ni d’y faire face vu son ampleur). Je ne me trouvais pas assez mature dans mon approche photographique et ne voulais pas gâcher cette idée par un mauvais angle d’attaque. Mais cette rencontre a été un déclic, elle m’a tout de suite soutenu et donné sa confiance, ce qui m’a beaucoup touché. J’ai alors décidé d’attaquer ce qui est pour moi le plus intense travail que je n’ai jamais réalisé : 9 mois au cœur du Ballet de l’Opéra de Paris pour la réalisation de trois séries. La vie m’a permis de rencontrer les bonnes personnes, ma femme m’a donné toute la motivation et la confiance en moi dont j’avais besoin, et Brigitte Lefèvre m’a grand ouvert les portes d’un lieu mythique, magique et presque impénétrable. Tout était réuni pour que je puisse tirer le meilleur de cette superbe opportunité…

Le fruit de ton travail avec ces danseurs s’orientera vers 3 directions, peux-tu nous en dire plus ?

Il y a en effet trois directions complémentaires et décalées dans leur réalisation. Tout d’abord, pour rentrer dans la vie du Corps de Ballet et comprendre leur univers, j’ai assisté quelques semaines à leurs répétitions sans prendre de photo, simplement pour essayer de les comprendre et de me fondre dans le décor pour ne jamais les déranger. Ils m’ont accepté très vite et avec une très grande gentillesse. J’ai ensuite commencé un reportage sur leur vie, un reportage brut et en noir et blanc, qui témoigne d’une saison des danseurs aussi bien pendant leurs répétitions que dans les coulisses des ballets, les couloirs de l’Opéra, leurs loges, pendant les essais costumes, mais aussi sur l’univers du bâtiment, les décors et la vie de ceux qui les entourent et créent la magie des ballets : costumiers, tapissiers, coloristes, etc.

La deuxième approche est plus personnelle, sur la danse et les danseurs. Je cherche à capter l ‘énergie dégagée lors des représentations et sa diffusion dans l’espace. Lorsque le regardant fera face à mes photographies, il pourra lui-même la capter et la transformer comme il le souhaite, y voyant la forme qu’il désire et ainsi s’approprier cette énergie. C’est un travail abstrait et très contemporain pour lequel j’ai du développer une nouvelle technique photographique et modifier mon appareil photo.

La troisième partie est un travail de groupe, une création commune avec des danseurs de l’Opéra de Paris. Ce sont des mises en scène dans lesquelles je vais capter la relation entre les murs de l’Opéra Garnier et ses danseurs, le but étant de mettre en avant l’influence et l’importance du lieu sur les artistes qui y évoluent. Cet endroit étant unique au monde de part son histoire et sa beauté, il m’est essentiel de le mettre en avant pour comprendre la spécificité de l’Opéra Garnier et le rapport des danseurs avec ce lieu considéré comme l’Opéra le plus mythique et le plus majestueux au monde. Chaque photo représentera un ou plusieurs danseurs mis en scène dans un endroit précis de l’Opéra Garnier. Les photographies sont effectuées à la chambre, pour comme le dit Meyerowitz, « sublimer le réel ».

J’ai l’impression que tu n’as cessé, depuis tes débuts, de t’approcher de la nature humaine, d’abord en l’observant de loin (American Showcase), puis en dialoguant avec elle (Real Life Super Heroes), et enfin aujourd’hui, en interrogeant le corps et la discipline profonde de l’esprit qu’exige la danse. Est-ce la prise de confiance dans ton travail qui t’a permis d’aller toujours plus loin dans cette approche ?

Au début j’étais un regardant, un témoin sans aucune prise de position sur le réel mais avec un point de vue, une perception de la scène que je souhaitais partager. Puis j’ai cherché à comprendre des gens uniques et extraordinaires et leur rapport à notre société et à ses valeurs, j’ai décidé pour m’exprimer, de travailler la matière et le support pour m’approprier ces univers et mieux les représenter.

Maintenant, je m’assume plus en tant que photographe et je cherche à me rapprocher encore de mon sujet pour créer avec lui et exprimer toute la poésie qui se dégage de son être et de son corps. Je suis persuadé que tout est énergie et que chacun doit partager cette énergie, se l’approprier, la transformer puis la diffuser aux autres. Pour moi la danse et la maîtrise du corps et de l’espace qu’ont les danseurs en sont les plus fidèles représentants et la meilleure image de la beauté, de la poésie et de l’énergie positive que peut créer l’humain. La matière et mon appropriation du sujet sont donc matérialisés par la transformation de mon outil de captation, ce qui me permet de me rapprocher encore plus du sujet et de créer en harmonie avec lui.

Penses-tu pouvoir aller encore plus loin ? As-tu déjà une idée de ton prochain sujet d’exploration ?

J’ai toujours travaillé la matière à partir de mes reportages photographiques, j’aime quand le sujet et le support sont étroitement liés. Avec l’Opéra de Paris j’ai modifié en amont l’outil pour ne laisser au regardant que la forme à s’approprier, j’ai délaissé la matière pour la forme et je suis en ce moment en train de commencer un nouveau projet, associant l’idée de la forme et de la matière à travers la photographie et son support. J’ai développé un nouveau support photographique mais tout cela ne sera visible que dans quelques années, et oui, le processus de recherche et développement étant très compliqué, je prends mon temps pour le maîtriser…

Merci Pierre-Elie, rendez-vous dans quelques mois pour voir l’intégralité des clichés… Car pour ne pas dévoiler ce beau travail avant l’heure, nous ne vous présenterons ici que deux photos issues de ce reportage !

Un peu plus sur Pierre-Elie de Pibrac www.pierreeliedepibrac.com